| Blog | Les producteurs sous les projecteurs |
Nous sommes dans les estives du Massif Central. De grands espaces herbagers de moyenne montagne vers 1200 à 1300 mètres d’altitude où paissent les bovins durant l’été.
Philippe Vanoosthuyse y travaille de l’été à l’automne. Philippe est éleveur ?
Non il est gentianaire (cueilleur de racines de gentiane) pour la SICARAPPAM une coopérative agricole avec laquelle Arcadie travaille.
La gentiane ou Fée Jeune, une ressource à préserver
La Fée jaune comme elle est surnommée ici est la grande gentiane ou Gentiana lutea de son petit nom scientifique. Ses racines sont réputées depuis l’Antiquité pour leurs vertus digestives, toniques et apéritives. Dans le Massif Central, la grande gentiane se plaît sur les terrains volcaniques (sols acides). Elle affectionne l’altitude et a besoin d’une pluviométrie importante.
Philippe connaît bien sa Fée jaune.
La gentiane est une grand-mère dont la durée de vie est de 50 à 60 ans. C’est une plante vivace et robuste qui peut être récoltée lorsqu’elle atteint 20 à 25 ans de vie. Afin de préserver la ressource, le cueilleur doit laisser les jeunes plants en terre pour qu’ils atteignent leur maturité. C’est tout un savoir-faire et une conscience écologique que souhaite transmettre notre coopérative.
L’extraction des racines de gentiane
Philippe explique :
C’est un métier de labeur qui demande une bonne condition physique et où il faut être endurant : il faut planter la fourche du diable `{`l’outil de récolte du gentianaire`}` dans la terre et s’arc bouter sur le long manche de métal pour faire levier afin d’extraire les racines enfouies dans le sol. Plus les feuilles de la plante (partie externe) sont denses plus les racines seront grosses. C’est la promesse d’une belle récolte pour le gentianaire !
Une fois l’arrachage terminé, Philippe veille à reboucher les trous afin de ne pas endommager prairies et pâturages. Il nettoie ensuite les racines sur place : à l’aide d’un couteau il retire patiemment le plus de terre possible et coupe les bourgeons.
La récolte est mise en sac de toile de jute : cette matière assure l’aération des racines afin d’éviter toute fermentation. Les sacs sont pesés avant d’être regroupés sur le chantier, protégés des vaches trop curieuses qui pourraient souiller la récolte avec quelques bouses.
En une journée je peux arracher entre 150 et 200 kilos de racines. En une semaine la récolte avoisine 1 tonne.
L’arrachage de la gentiane est réglementé : le propriétaire des lieux est contacté par les cueilleurs afin d’obtenir son autorisation et il sera rétribué pour chaque kilo de gentiane arraché.
Le travail post-récolte
La précieuse racine peut être vendue directement en frais, ou en sec. Plusieurs étapes sont alors nécessaires : séchage, calibrage, tri. Les racines de gentiane sèchent naturellement, étalées au sol sous serre, durant l’été, pendant trois ou quatre semaines. Elles sont ensuite calibrées au sasseur (sorte de tamis) pour les séparer des radicelles. Enfin un passage au souffleur permet de compléter le dépoussiérage.
Les racines les plus grosses sont conditionnées en sac de 25 kilos et le restant (radicelles) est destiné à la transformation.
C’est comme un bonbon Arlequin acidulé.
La commercialisation de la gentiane
Les clients de la SICARAPPAM sont pour l’essentiel des laboratoires pharmaceutiques mais également des distillateurs d’eau de vie.
Arcadie est en contrat Biopartenaire (commerce équitable) avec la coopérative depuis 2009 (le début du partenariat remonte à 1998). Elle s’engage dans la durée sur des prix et des quantités définies avec l’ensemble des producteurs. L’objectif étant que les producteurs cueilleurs puissent vivre de leur métier avec une juste valorisation de leur travail.
À Arcadie vous retrouverez les racines de gentiane récoltées par Philippe et ses collègues dans les sachets « L’Herbier de France ».
Philippe, un gentianaire expérimenté
Depuis 20 ans, Philippe cueille des plantes pour la SICARAPPAM. Il produit essentiellement en été et à l’automne le bouleau, le framboisier, la gentiane et le frêne.
À la SICARAPPAM j’ai commencé avec la gentiane et la décoration de noël, raconte-t-il. C’était à l’époque une activité de fin de saison. Il s’agissait de cueillir des branchages de bouleau servant à la décoration. Cela a duré 15 ans puis la concurrence des pays de l’est a pris le pas sur le marché de la déco.
J’ai un BEP agriculture / élevage. Je suis un homme d’extérieur, un inconditionnel de la nature doté d’un fort caractère d’indépendant et j’apprécie cette liberté choisie en tant qu’homme libre et responsable. J’organise mon travail comme je l’entends même si évidemment il y a toujours des comptes à rendre et des contraintes.
À la question : peut-on vivre de ce métier ? Il répond sans ambages :
Lorsque l’on fait le ratio entre le temps passé et l’énergie dépensée le gain est faible. Mais il s’agit d’un choix : c’est un métier passion.
J’ai la chance de pouvoir intervenir dans un Centre de Formation Professionnel Agricole près de Clermont Ferrand pour la filière “Cueillette et culture“. Mon public se compose de jeunes élèves mais aussi d’adultes en reconversion professionnelle. Depuis plus de dix ans je leur transmets un savoir-faire et un savoir-être. Un certain nombre d’entre eux sont d’ailleurs devenus adhérents de la SICARAPPAM. C’est pour moi une entière reconnaissance.