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L’origan, Origanum vulgare, est cultivé surtout dans la région méditerranéenne. Notre origan français (68% des volumes achetés en 2021, soit 9,2 tonnes) provient d’Occitanie et d’Ardèche. Le reste (4,3 tonnes en 2021) venait de Grèce. Pour 2022, nous allons réussir à atteindre 100% de nos achats d’origan en France.
Après avoir plongé dans la botanique de l’origan, rapprochons-nous des producteurs qui le cultivent, avec 2 exemples concrets dans le Gard : les terres cultivées d’Arcadie (St Etienne de l’Olm) et les cultures de Hervé Béchard, producteur au sein du groupement BGM, sur le bassin versant de la source Perrier (Vergèze).
Des filières bio et équitables pour notre origan bio
La majorité de notre origan provient de 9 producteurs de BGM (Bio Garrigue Méditerranée) qui en cultivent 15 ha pour une production de 8,5 tonnes une fois séché et trié. Une tonne et demi supplémentaire est produite sur 3 ha, par 11 producteurs de PPAM Ardèche, chacun cultivant de petites surfaces d’origan.
Ces 2 filières d’approvisionnement sont labellisées commerce équitable, caractérisé par un engagement entre notre entreprise et les producteurs, sur une durée de 3 ans, renouvelable, concernant notamment des prix (rémunérateurs) et des volumes.
Sur nos propres terres, nous avons produit 600 kg d’origan en 2021, sur 0,6 ha. Nous avons également du romarin, de la sarriette, du thym, de la vigne rouge (feuilles) un peu de sauge, quelques essais de calendula (soucis). Cette activité agricole nous permet de garder le lien direct avec les plantes en culture et de partager ce savoir-faire agricole : nous développons aussi la biodynamie, des essais en agroforesterie, du compostage à la ferme, des aménagements pour la biodiversité… Cela nous permet enfin de sensibiliser les Arcadiens et nos partenaires aux questions agricoles et de biodiversité.
Que fait-on dans un champ d’origan bio ?
Les premières années de la culture : un investissement avant tout
La plupart de nos producteurs mettent en terre de tout jeunes plants (quelques feuilles) achetés en pépinière. Très peu réalisent eux-mêmes la production des plants, à partir de graines. Après la plantation, et pendant les 2 premières années, un très gros travail de désherbage est nécessaire : tant que la plante n’a pas pris toute sa place, les herbes indésirables peuvent être très envahissantes et gêner la culture. Et en agriculture bio, pas de produits désherbants, uniquement des outils et … des muscles ! Les outils tractés rendent la tâche un peu moins physique, mais la binette, et le travail manuel, restent indispensables surtout les premières années.
Quelques producteurs réalisent des essais de culture sur toile (plastique) pour limiter cette contrainte de l’enherbement. C’est une alternative à l’utilisation d’herbicides (on est en bio !) et cela permet de réduire la pénibilité du travail manuel de désherbage. Mais l’utilisation du plastique n’est certes pas non plus satisfaisante. Certains producteurs ont aussi eu des surprises avec des lots impropres à la consommation car nous y retrouvions des petits morceaux de plastique. Il y a un juste équilibre à trouver et ce n’est pas simple pour les producteurs !
Durée de vie de la culture d’origan et rendement
La culture est en place pour une durée de 8, 10 ans voire un peu plus encore. Elle commence à produire autour de la 2e voire 3e année : cela signifie aussi que les 2 premières années de dur labeur (de désherbage) ne sont pas récompensées tout de suite par la récolte… il faudra attendre, c’est un véritable investissement !
La culture atteint ensuite un maximum de production pour une durée de 3-4 ans puis décline doucement jusqu’à ce qu’il ne soit plus assez rentable pour le producteur de la garder.
Selon les producteurs, l’espace entre les rangs est soit laissé nu (car plus facile pour intervenir et moins de risques d’envahissement par les herbes) soit couvert : un couvert végétal (semé par le producteur, ou bien spontané) permet de protéger les sols (et la culture) des ardeurs du soleil… ou de la pluie (les fameux épisodes cévenols).
La culture de l’origan en essai en biodynamie
Sur nos terres, nous nous sommes plongés dans l’approche biodynamique depuis 1 an et demi. Favoriser les forces d’enracinement, renforcer le lien de la plante avec son terroir (concerne plutôt les éléments “terre“ et “eau“), et par ailleurs développer aussi l’expression des plantes, leurs qualités plus subtiles, notamment organoleptiques (liés plutôt à la lumière et à la chaleur) ; tel est l’objectif de nos pratiques biodynamiques. Entre terre et ciel, il s’agit de favoriser le juste équilibre de nos plantes cultivées dans un environnement complexe.
La récolte de l’origan bio
Comme beaucoup de plantes de la famille des Lamiacées, l’origan est récolté juste avant floraison, au mois d’avril-mai. Il est récolté mécaniquement. Il repousse ensuite depuis le pied, d’autant plus que la saison est humide ou la parcelle irriguée.
L’agriculteur pourra réaliser une 2e coupe autour de juin-juillet voire une 3e coupe à l’automne. Les rendements de ces autres coupes sont en général moindres – cela dépend encore une fois de l’accès de la parcelle à l’eau.
Dans notre ferme, non irriguée, en 2021 la 1re coupe d’une parcelle en pleine production a donné 1 tonne d’origan (séché et trié) pour 1 ha (= une parcelle de 100 m * 100m) et seulement l’équivalent de 250 kg (pour 1 ha) lors de la 2e coupe. Pour cette année 2022, particulièrement sèche, il est probable que nous ne puissions même pas faire de 2e coupe.
Hervé Béchard, à Vergèze, cultive 6 ha d’origan pour nous. C’est la plus grande surface cultivée en origan parmi les producteurs du groupement BGM. H. Béchard a commencé avec 1 ha en 2016, et a augmenté progressivement chaque année. Aujourd’hui il se dit très fier de son origan !
Son système d’irrigation lui permet de réaliser 3 coupes chaque année ! L’année dernière, le gel tardif de printemps a cependant limité sa récolte ; H. Béchard a dû broyer les plantes gelées et attendre qu’elles repartent du pied.
Le séchage délicat de l’origan bio
Le moment de la récolte est délicat car la plante plutôt fragile en comparaison des thym, sarriette et romarin aux feuilles plus coriaces. L’origan doit être manipulé le moins possible, et être étalé rapidement après récolte dans les séchoirs, puis aéré à la fourche régulièrement. Sinon il risque de noircir et devient invendable.
Pour assurer le séchage de son origan, Hervé Béchard a investi dans un grand séchoir l’année dernière. Qui servira aussi pour les autres plantes vendues en herboristerie : il a encore 4 ha de thym, 1,5 ha de thym citron et 3 ha de romarin pour nous !
Certains producteurs les plus proches (moins de 20 km) peuvent venir faire sécher leurs plantes aromatiques à notre ferme, s’ils ne sont pas équipés. Il est cependant préférable de s’équiper rapidement et de pouvoir sécher les plantes au plus proche des parcelles.
Le battage et le tri
Une fois séché, l’origan doit être battu, puis trié. Le battage est souvent réalisé avec les anciennes moissonneuses batteuses utilisées pour les céréales : un batteur et un contre-batteur permettent de séparer les feuilles des tiges. Cette opération est réalisée par les producteurs directement, mais ceux-ci ont aussi la possibilité d’apporter leur origan séché pour le battre à la ferme.
Et ce n’est toujours pas fini ; après le battage, suit encore le tri, en général réalisé chez nous. Toujours inspiré des outils des céréaliers, c’est une trieuse à grain, avec toute une série de tamis, qui permet, après plusieurs passages, d’arriver à éliminer toutes les impuretés et à parvenir à la qualité requise pour Cook et L’Herbier.
Le cheminement de l’origan dans nos ateliers de transformation / conditionnement sera l’objet du prochain article. Plusieurs qualités d’origan sortent de la trieuse, dont les usages pour Cook et L’Herbier seront différents. Les brisures trop fines iront dans l’origan à broyer, et les feuilles encore entières recalibrées pour être vendues en origan feuilles.
Et analyses
L’agriculteur en aura fini avec son origan seulement quand celui-ci aura passé l’étape des analyses validées ; c’est alors seulement que la plante pourra entrer dans les ateliers de transformation / conditionnement de Cook et L’Herbier.
Nous vérifions que le lot ne contient pas de molécules pesticides (600 sont recherchées !), qu’il est conforme en termes de microbiologie (moisissures éventuelles) et, pour certains produits pour lesquels nous le garantissons, sans gluten* !
* “mais que viendrait faire le gluten dans l’origan ?“ me direz-vous ? Chez des producteurs diversifiés qui produisent et des plantes aromatiques et des céréales, des machines communes peuvent être utilisées… et laisser quelques traces d’une production sur l’autre.
Imaginiez-vous que la culture et la préparation des plantes aromatiques était si technique ? Vous en connaissez désormais un bon rayon ! Et vous allez découvrir la suite de l’aventure de l’origan dans les locaux d’Arcadie dans un prochain article.